Lettre aux catholiques du diocèse de Rouen à l’occasion du Dimanche de la Miséricorde
Pâques
27 mars 2016
Chers amis,
Dimanche 3 avril 2016 est le Dimanche de la miséricorde. Le Pape Jean-Paul II nommait ainsi le 2e dimanche de Pâques. Il préparait l’année jubilaire que nous vivons avec joie en recevant du Pape François l’invitation de Jésus : « Soyez miséricordieux, comme votre Père est miséricordieux » (Lc 6, 36).
Depuis quatre mois, nous accueillons avec plus d’intensité l’amour de Dieu qui se fait tendresse, compassion, miséricorde. Le mot « miséricorde » se découvre dans sa nouveauté et sa vigueur. Avec joie, nous disons avec la Vierge Marie dans son Magnificat : « Sa miséricorde s’étend d’âge en âge » (Lc 1, 50) ! Avec elle, je rends grâce à Dieu pour les multiples initiatives des paroisses, des mouvements, des services… la porte sainte ouverte à la cathédrale le 13 décembre voit passer des enfants, des jeunes, des malades, des communautés… Dieu voit dans le secret de nos cœurs qui s’ouvrent à son amour (cf. Mt 6, 4.6.18).
Pâques est la victoire de l’amour. La liturgie nous donne huit jours pour dire « aujourd’hui, Jésus est ressuscité » ! C’est l’octave de Pâques qui se conclut par le Dimanche de la miséricorde. Par ce dimanche, nous comprenons que les œuvres de miséricorde comme le sacrement du pardon sont le fruit du mystère de Pâques plus que le résultat de nos efforts.
Les œuvres de la miséricorde
Etre miséricordieux comme le Père n’est pas un exploit ou un défi. C’est le débordement de la miséricorde du Père qui le premier nous a aimés (cf. 1 Jn 4, 10). Dans la veillée pascale, nous avons entendu les hauts faits de l’amour miséricordieux du Père depuis la création. Chaque appel de Dieu – chaque vocation – est un effet de sa miséricorde. Le Ressuscité révèle le visage accompli de la miséricorde du Père, l’humanité nouvelle. Oui, chacun d’entre vous dans sa vocation est le fruit de l’amour de Dieu ! Les baptisés de Pâques nous le rappellent ! Alléluia !
« Comme le Père » est bien plus qu’une imitation. C’est son Esprit qui travaille nos cœurs comme le sien ; c’est son Esprit qui travaille nos entrailles comme les siennes. La lumière de Pâques éclaire nos ténèbres. Des misères nous sont révélées. Comment rester indifférent dès lors que nos yeux s’ouvrent ?
« Ouvrons nos yeux pour voir les misères du monde, les blessures de tant de frères et sœurs privés de dignité, et sentons-nous appelés à entendre leur cri qui appelle à l’aide. Que nos mains serrent leurs mains et les attirent vers nous afin qu’ils sentent la chaleur de notre présence, de l’amitié et de la fraternité. Que leur cri devienne le nôtre et qu’ensemble, nous puissions briser la barrière d’indifférence qui règne souvent en souveraine pour cacher l’hypocrisie et l’égoïsme » (Pape François, Le Visage de la miséricorde, n° 14).
Je rends grâce pour ceux qui visitent les détenus ou les malades, pour les associations caritatives, aides aux plus lointains ou aux plus proches, pour les familles qui ouvrent leurs portes aux réfugiés, pour les gestes quotidiens aux gens de la rue, pour la lutte contre les situations de précarité, pour les services rendus au voisin, pour l’accueil des femmes seules et en détresse, pour les enfants accueillis… j’en suis témoin bien souvent. Alors, le Christ présent dans les plus petits ressuscite, vit à nouveau, et nous enseigne (cf. Mt 25, 31-46).
Le sacrement du pardon
Pâques est la source du pardon. Le soir de la résurrection… « Jésus souffla sur les apôtres et il leur dit : Recevez l’Esprit Saint. A qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus » (Jn 20, 22-23). La mission est claire. En fait, Jésus est le premier bénéficiaire de la miséricorde du Père. Il a hâte que son Eglise la transmette.
Depuis le péché d’Adam et Eve, Dieu cherche sa créature aimée, et ne la reconnaît plus : « Adam où es-tu ? » (Gn 3, 9). Lorsqu’Adam répondit, ce fut pour accuser Eve, et Eve accusa le serpent (cf. Gn 3, 12-13). Alors Dieu se mit à la recherche de son humanité créée à son image. Il appela Noé, Abraham, David, et tant d’autres. Ils se levèrent reconnaissant la voix de leur Créateur aimant, mais retombèrent, qui dans l’alcoolisme, qui dans l’idolâtrie, qui dans l’adultère, le mensonge… Alors, Dieu prépara celle qui dirait « oui » pour qu’un fils d’homme dise « me voici », sans accuser les autres, sans revenir en arrière, ou retomber.
Le Fils, né de la Vierge Marie, n’a jamais péché mais il a été identifié au péché (cf. 2 Co 5, 21). Lucidement, en vérité, par amour, il donne sa vie pour nous. Répondant à l’appel patient du Père, il dit dans son dernier souffle : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23, 34). Jésus est le premier à confesser sincèrement le péché des hommes, sans se cacher et sans accuser les autres. La réponse ne se fait pas attendre : le troisième jour, il ressuscite. Dans sa mort, le péché est crucifié ; dans sa résurrection, le pardon est donné.
« Dans la mort et la résurrection de Jésus-Christ, Dieu rend manifeste cet amour qui va jusqu’à détruire le péché des hommes. Il est possible de se laisser réconcilier avec Dieu à travers le mystère pascal et la médiation de l’Eglise. Dieu est toujours prêt au pardon et ne se lasse jamais de l’offrir de façon toujours nouvelle et inattendue » (Pape François, Le Visage de la miséricorde, n° 22).
A chaque confession, nous devenons un peu plus le corps du Christ livré et confessant. A chaque pardon reçu, le corps tout entier reçoit un éclat de la grâce de la résurrection. Cela est vrai quand nous nous présentons en vérité, avouant nos fautes, confiant dans la miséricorde du Père qui nous attend.
Les fautes peuvent être légères ou mortelles, habituelles ou passagères. Le Père nous attend et scrute notre cœur dans lequel sa miséricorde fait œuvre de vérité. Il attend de pouvoir y déverser tout son amour pour qu’il déborde. Ce que le prêtre accomplit en donnant l’absolution « au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit ».
« Avec conviction, remettons au centre le sacrement de la Réconciliation, puisqu’il donne à toucher de nos mains la grandeur de la miséricorde. Pour chaque pénitent, ce sera une source d’une véritable paix intérieure. » (Pape François, Le Visage de la miséricorde, n° 17).
Les Missionnaires de la miséricorde
Le Pape François a nommé cinq prêtres de notre diocèse, que je lui ai présentés, « Missionnaires de la miséricorde ». Il veut ainsi manifester que la miséricorde de Dieu n’a peur d’aucun péché ni d’aucune addiction. En raison de leur conséquence pour la vie de l’Eglise, quelques péchés sont habituellement « réservés » au Pape, c’est-à-dire que lui seul peut donner à son auteur l’absolution :
-L’atteinte à la sainteté de l’eucharistie (vol, sacrilège) ;
-L’atteinte à la vie du Pape ;
-L’absolution donnée par un prêtre à une personne avec qui il a eu des relations intimes ;
-La violation directe du secret de la confession.
A cette occasion, je rappelle que le péché d’avortement est, lui, réservé à l’évêque. Comme mes prédécesseurs, j’ai décidé de donner à tout prêtre le pouvoir d’absoudre du péché d’avortement, donc aux Missionnaires de la miséricorde aussi.
Les cinq Missionnaires de la miséricorde ont accepté de tenir une permanence chaque semaine à partir du dimanche de la miséricorde, 3 avril 2016.
-Mgr Jacques Bourg, chancelier, le jeudi et le samedi de 16h à 17h à la cathédrale Notre-Dame ;
-Le chanoine Emile Paillette, curé de la paroisse Saint-Ouen d’Offranville – Pointe d’Ailly, le samedi de 11h à 12h à l’église Saint-Jacques de Dieppe ;
-L’abbé Sébastien Savarin, curé de la paroisse Saint-Jean-Baptiste de Forges en Bray, le jeudi de 10h à 11h à l’église Saint-Eloi de Forges-les-Eaux ;
-Le chanoine Philippe Poirson, curé-recteur de la basilique Notre-Dame de Bonsecours et exorciste diocésain, le samedi de 17h30 à 18h30 à la basilique ;
-Dom Daniel Deschamps, moine de l’abbaye Saint-Wandrille (demander un rendez-vous en appelant la porterie du monastère : 02 35 96 23 11).
Que personne ne se sente exclu de la miséricorde du Père ! C’est dans cet esprit que le Pape favorise ainsi le don de la miséricorde dans le sacrement du pardon. Vous serez toujours accueillis par les cinq Missionnaires de la miséricorde, et par tous les prêtres du diocèse. Vous leur offrirez la joie d’être des missionnaires du cœur tendre de Dieu ! Je les remercie pour leur disponibilité qui s’étend aussi à la prédication de la miséricorde.
L’indulgence
Allons jusqu’au bout de la miséricorde. Nous ressentons le poids du péché même pardonné. Il affadit nos vies, les inquiète, les alourdit de souffrances qui, parfois, durent. Ce sont les conséquences du péché qui marquent nos journées et, parfois, toute notre vie, celle de nos familles ou de nos communautés.
« Dans le sacrement de la Réconciliation, Dieu pardonne les péchés, et ils sont réellement effacés, cependant que demeure l’empreinte négative des péchés dans nos comportements et nos pensées. La miséricorde de Dieu est cependant plus forte que ceci. Elle devient indulgence du Père qui rejoint le pécheur pardonné à travers l’Epouse du Christ, et le libère de tout ce qui reste des conséquences du péché, lui donnant d’agir avec charité, de grandir dans l’amour plutôt que de retomber dans le péché » (Pape François, La Miséricorde de Dieu, n° 22).
L’Eglise a la joie de proposer un chemin pour se débarrasser de la peine due au péché. Nous appelons cela « l’indulgence ». Cela demande surtout d’ouvrir notre cœur dans un amour toujours plus semblable à celui de Jésus. Sur ce chemin, le passage de la porte sainte, la confession, la participation à l’Eucharistie et la prière aux intentions du Pape, successeur de Pierre, sont les balises proposées par l’Eglise.
Marche des vocations : 5 mai (Ascension)
« Il faut que je m’en aille », dit Jésus (cf. Jn 14). La résurrection ouvre les portes du ciel. Elle donne à nos vies leur perspective. Nous fêterons bientôt l’Ascension de Jésus auprès de son Père. C’est aussi le début de la mission confiée aux apôtres : « vous serez mes témoins… jusqu’aux extrémités de la terre (Ac 1, 8). Qui sont aujourd’hui les successeurs des apôtres ? Le ministère apostolique est celui des prêtres autour de l’évêque, eux aussi pécheurs.
Les prêtres naissent dans des familles ! J’invite donc les familles, les jeunes, les communautés et les mouvements du diocèse à vivre ensemble la fête de l’Ascension sous forme d’une marche dans le Pays de Bray le jeudi 5 mai. Rendez-vous au château de Mesnières-en-Bray à 12h ou bien directement à Neufchâtel-en-Bray à 17h pour l’Eucharistie. Nous prierons intensément pour les vocations de prêtres, bénéficiaires et ministres de la miséricorde.
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L’invitation du Pape à la miséricorde est pressente. Je m’y joins de tout cœur. Notre Seine-Maritime attend le « Seigneur tendre, lent à la colère et plein d’amour » (Ps 144). Comme les saints l’ont compris, les grands projets ne sont rien sans les élans d’amour intérieurs. Puisons largement à la source pascale pour remplir nos vies de ces élans qui s’incarnent dans les petits gestes. Rappelons-nous la petite voie de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus :
« Oui, mon bien-aimé, voilà comment se consumera ma vie … je n’ai d’autre moyen de te prouver mon amour, que de jeter des fleurs, c’est-à-dire de ne laisser échapper aucun petit sacrifice, aucun regard, aucune parole, de profiter de toutes les plus petites choses et de les faire par amour » (Lettre à Sœur Marie du Sacré-Cœur, 8 septembre 1896).
Profitons ensemble de l’année de la miséricorde ! Encourageons-nous à pratiquer la miséricorde, à puiser à la source de la prière et du sacrement de la réconciliation, à nous demander pardon simplement. « Tout est lié » répète le Pape François (cf. Laudato si’).
Avec mon amitié et ma joie d’être avec vous sur le chemin ouvert par Jésus Ressuscité.
Dominique LEBRUN, Archevêque de Rouen