Une rencontre atypique
Jeudi 12 janvier dernier, nous avons reçu M. Mary, ancien enseignant spécialisé puis directeur d’établissement spécialisé. A présent il est assesseur au T.P.E. (Tribunal pour Enfants). L’assesseur est un juge qui assiste le Président d’un tribunal, il y a deux assesseurs et un juge, les décisions se prennent à la majorité des trois. Pour occuper ces fonctions, il faut avoir un passé qui montre que l’on s’est intéressé au juridique et à la prise en charge des mineurs. M. Mary a notamment travaillé pendant 23 ans à la Maison d’arrêt de Rouen et a été concomitamment en responsabilité des directions pédagogiques des C.E.F. (Centre Educatif Fermé) de Doudeville et de Saint-Denis-le-Thiboult.
Dans la maison d’arrêt de Rouen, les mineurs, les femmes et les hommes sont séparés. A la M.A.F. (Maison d’Arrêt des Femmes), les femmes ont la possibilité d’élever leur enfant jusqu’à l’âge de 18 mois (par décision du juge et si les conditions d’incarcération le permettent, cette durée peut être étendue jusqu’à 24 mois).
La lutte contre l’illettrisme et l’enseignement aux mineurs constituent une priorité pour les enseignants de l’Education Nationale travaillant dans cet établissement. Il est possible de suivre des cours en prison et même de passer différents diplômes comme le D.I.L.F. (Diplôme Initial de Langue Française), le C.F.G. (Certificat de Formation Générale), le Brevet des Collèges, le Baccalauréat… L’Unité Pédagogique offre aussi aux étudiants en Fac. la possibilité d’avoir accès à leurs cours et de valider leurs acquis.
De plus, les prisonniers ont accès à la télévision 24 heures sur 24 (sauf les mineurs). Toutefois, ils doivent payer pour y avoir accès. Ils peuvent aussi suivre des séances de sport, travailler dans les ateliers ou encore dans les cuisines en étant rémunérés par des concessionnaires, ou enfin dans le cadre du Service Général (travaux et entretien de la prison) dans ce cas ils sont rémunérés par l’Administration pénitentiaire. Ils ont aussi accès à des promenades pour « prendre l’air », car globalement, les détenus sont encellulés 22 ou 23 heures sur 24. Les détenus reçoivent leurs repas vers environ 7h00, 12h00, et 17h30.
Les détenus prévenus ont le droit, selon les textes, de voir leur famille théoriquement jusqu’à 3 fois par semaine (ces parloirs sont limités à 30 minutes) ; les détenus condamnés ont droit à 1 visite par semaine… cependant, tout est lié au bon vouloir du Chef d’établissement, bon vouloir souvent dicté par des contingences matérielles et logistiques. Il existe au moins deux types de parloirs : les « parloirs hygiaphones » sans aucun contact, une vitre séparant la famille du prisonnier ; et les « parloirs ouverts » sans séparation matérielle. Les détenus peuvent aussi appeler leur famille. Toutefois, l’intimité est loin d’être garantie puisque les communications sont sur écoute de manière aléatoire.
Certains détenus peuvent bénéficier de remises de peine dites normales aux conditions de bonne conduite ou de remises de peine dites supplémentaires en cas d’efforts avérés en vue de la réinsertion (scolarisation, travail en détention…).
Cependant les conditions de vie dans les prisons sont loin d’être idéales. D’aucuns estiment d’ailleurs indispensable, aux alentours de Rouen, la création d’un nouvel établissement afin de donner aux détenus des conditions d’incarcération plus dignes. Les coûts de réalisation, l’hostilité des populations craignant d’être trop proches de la « délinquance », les difficultés liées donc à l’implantation d’un hypothétique nouvel établissement n’ont, jusqu’à présent, conduit qu’à de multiples atermoiements. Mais faut-il le regretter ?… Quelles alternatives existe-t-il à la construction de nouvelles cellules ?…
Dans les quartiers « Hommes », dans les Maisons d’arrêt, la surpopulation est criante. Elle est constante et la moyenne nationale peut atteindre 10 places pour 13 ou 14 détenus. Ceci conduit à une situation préoccupante : en France, on peut entasser dans des cellules de 9 mètres carrés jusqu’à 4 détenus.
Les hommes ne disposent que d’un toilette et un lavabo (eau froide uniquement) par cellule. Le plus souvent, ces équipements sont dépourvus de tout dispositif permettant de garantir un minimum d’intimité. En clair, la dignité des prisonniers en prend un coup car ils ne peuvent pas forcément s’isoler à l’aide au moins d’un rideau dans la cellule partagée avec des codétenus.
Les détenus ont droit à une douche… la périodicité de cette douche est souvent aléatoire car les surveillants sont souvent débordés eu égard à un effectif en Personnel amplement insuffisant pour répondre aux légitimes demandes des détenus. Les mineurs quant à eux, à Rouen, ont une cellule chacun et une douche dans leur cellule.
Les détenus travaillant soit en ateliers, soit aux cuisines, soit au Service général ne perçoivent un salaire que bien en dessous du S.M.I.C.. Ce salaire leur permet néanmoins, parfois, de « cantiner », c’est-à-dire commander des produits divers allant de produits d’hygiène aux produits de complément d’alimentation. Les « cantines » initialement gérées par les Services de l’Administration Pénitentiaire sont désormais gérées par des concessionnaires privés. Les détenus n’ont évidemment droit à aucun découvert… ils doivent même donner des garanties quant à leur capacité de régler d’ultérieurs achats, à savoir toujours avoir un compte largement approvisionné.
Les détenus qui parviennent à économiser un peu, ont la possibilité de verser une partie de leur « pécule » pour l’indemnisation de leur(s) victime(s) (ceci aidant à l’octroi de remises de peines supplémentaires), ils peuvent aussi, le cas échéant, mettre leurs économies en réserve et ainsi constituer ce que l’on nomme communément leur pécule de sortie.
M. Mary nous a apporté beaucoup d’informations. Celles-ci nous ont permis de casser les idées reçues que l’on avait pu assimiler à cause de films ou séries.
Les étudiants de la Classe Prépa Carrières du Social
et Mme Céline KHALDI, Professeur