Littérature et Société : petite visite du Père Lachaise…
Littérature et société est un des enseignements d’exploration proposés en Seconde. Au programme : observer le monde avec ses pleins et ses déliés, ses cachots et ses horizons, ses points de rouille et ses révolutions. C’est un voyage dans le temps. Nos guides – Mme Mouard et M. Renault – en ont au moins cerné l’espace : on se bornera à la visite de notre Capitale. Notre mission : derrière chaque pierre, trouver une plume. Des exemples : la Comédie-Française nous met sur la piste de Victor Hugo, La Tour Eiffel sur les traces de Guy de Maupassant…
Parés pour la visite ? Alors c’est parti. Suivez-nous. Nous vous donnons rendez-vous une fois par mois. Nous sommes des chercheurs d’art, prêts à toutes les enquêtes et tous les sourires pour vous toucher en plein cours
Pour cette deuxième fois, nos trois rédacteurs en chef (qui changent chaque mois) – Lucie Dutheil, Lou-Anne Noël et César Villard – vous conduisent dans le vingtième arrondissement. Bonne visite !
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Le cimetière du Père-Lachaise
(16, rue du repos et 8, bd de Ménilmontant, 75020 Paris)
Un cimetière qui laisse froid
Il était une fois une jolie colline, couverte de vignes, appartenant à l’évêque de Paris. En 1430, un riche commerçant achète le domaine pour y faire construire une magnifique maison. Deux siècles plus tard, les Jésuites acquièrent le terrain pour en faire un lieu de repos et de convalescence. La maison accueille notamment François d’Aix de La Chaise (1624-1709), dit le Père La Chaise. Il y demeure de 1675 jusqu’à sa mort, en 1709. Il est le confesseur du roi Louis XIV : il marque autant les esprits que l’endroit. Quand le domaine est racheté aux jésuites, son nom s’impose. Napoléon fait le reste… Pour éviter les épidémies intra-muros, on ferme les cimetières. Encore faut-il en ouvrir de nouveaux plus loin. Le 12 juin 1804, un décret sur les sépultures fixe définitivement les règles. La jolie colline devient par un coup de baguette impériale un cimetière. Brongniart (1739-1813), l’architecte de la Bourse, est chargé de son aménagement. Jusqu’en 1817, le cimetière est désert. A défaut de remplir le sous-sol, on se creuse les méninges : comment donner à l’endroit une image de prestige ? On fait transférer avec solennité les soi-disant restes d’Héloïse et Abélard, de la Fontaine et de Molière. Comme par magie, le lieu mobilise toutes les attentions : entre 1824 et 1850, il faut agrandir six fois l’offre d’accueil pour l’adapter aux funèbres demandes…
Le saviez-vous ?
Au XVIIème siècle, Les acteurs sont accusés par le clergé d’avoir une vie dissolue : le théâtre est considéré par le clergé comme une pratique mettant en scène le mensonge, puisque l’acteur incarne un autre personnage que lui-même. Ainsi le curé de Saint-Eustache refuse-t-il à Molière les derniers sacrements. À la demande de Louis XIV, l’archevêque de Paris autorise cependant qu’on lui donne une sépulture ecclésiastique dans le cimetière de la paroisse… Mais c’est sans cérémonie ! Et le corps du notable défunt est transporté le soir, en catimini.
Mais, au fait, que signifie RIP ?
RIP signifie Requiescat In Pace (version latine) et Rest In Peace (version anglaise)
La célébrité ne fait aucune concession à la mort !
S’ils sont morts, on les honore encore – mieux que certains vivants ! C’est que, parmi les 69 000 concessions du lieu, il en est des plus célèbres.
Frédéric Chopin (1810-1849) : Sa tombe (11ème division) est un des monuments les plus remarqués du cimetière. Et pour cause ! Elle est désormais classée au titre des monuments historiques. Si elle s’est taillée une telle réputation, c’est que son auteur est Auguste Clésinger, sculpteur réputé du XIXème siècle. C’est peut-être encore l’anecdote qui attire la curiosité : la dépouille n’est pas complète. Chopin a eu cette dernière volonté : que son cœur, lui, soit enterré en Pologne, dans son pays natal.
Alfred de Musset (1810-1857) : Sous son buste se trouve une lyre, symbole de la poésie. Au dos de la stèle (4ème division), son poème Rappelle-toi est inscrit. Devant, on lit son épitaphe : « Mes chers amis, quand je mourrai, Plantez un saule au cimetière, J’aime son feuillage éploré, La pâleur m’en est douce et chère, Et son ombre sera légère, A la terre où je dormirai. » La volonté a bel et bien été satisfaite : un saule est là, tout près.
Jim Morrison (1943-1971) : Le leader des Doors n’a pas une mort de tout repos. Plus de quarante ans après son trépas, on se bouscule à sa pierre (6ème division). Chacun entretient l’hommage à sa façon : en guise de fleurs, on abandonne mégots, bouteilles de whisky et autres provocations festives.
Edith Piaf (1915-1963) : Dans sa tombe (97ème division) repose son père, son mari Théo Sarapo et sa fille Marcelle, décédée en 1933, à l’âge de deux ans. Sur la dalle, un vase gravé des initiales « EP » rend la tombe facilement identifiable.
Oscar Wilde (1854-1900) : La tombe (89ème division) du sulfureux auteur irlandais est l’une des plus appréciées du Père-Lachaise. Baptisée Flying demon angel, elle représente un sphinx ailé. La stèle a dû être protégée par des vitres : des admiratrices voraces allaient finir par la mettre sur le carreau ! Vraiment : elles abîmaient le monument de leurs baisers fougueux mouillés de rouge à lèvres.
La prochaine fois, on vous emmène à la Comédie-Française.
A bientôt…