La cour d’honneur de l’Institution Jean-Paul II a vécu, mardi 15 octobre, un événement exceptionnel. En effet, une convention a été signée entre le Souvenir Français et l’Institution, et, à ce titre, un drapeau tricolore a été confié à l’École de la rue de l’Avalasse, en présence d’élus représentant le Maire de Rouen, le Président de Région, Mme la Sénatrice Morin-Dessailly, une délégation de l’École militaire de Saint-Cyr et de nombreux porte-drapeaux.

« Et quel drapeau ! » se félicite Jean-Dominique Eude, le directeur, « car ce drapeau est en lien avec le régiment créé par Pierre Segrétain, ancien élève de Join-Lambert et mort héroïquement au combat, en octobre 1950, en Indochine ».

Plus de 1000 élèves s’étaient rassemblés pour la transmission officielle du drapeau et pour le dépôt de gerbes au célèbre Monument aux Morts qui trône à l’entrée de l’Institution. Pour clore la cérémonie, une Marseillaise résonnait, reprise avec respect et enthousiasme par tous.

« C’est toute une équipe qui a travaillé, et tout particulièrement Charles Avril, Directeur des Études du Lycée, et Jack Duval, Président départemental du Souvenir Français ; ils peuvent être fiers d’une si belle cérémonie, digne et de très belle tenue » concluait M. Eude. Et d’insister :

« Le devoir de mémoire est fondamental et nous oblige. Malgré toutes les tensions qui traversent notre société, notre pays et le monde, les valeurs pour lesquelles nos aînés se sont battus sont précieuses et porteuses de sens pour l’idée que nous nous faisons de la civilisation, de la personne humaine, de la liberté. » Une leçon mise en pratique ce mardi après-midi, assurément.

Voici les deux discours prononcés à cette occasion :

Monsieur le représentant M. le Maire de Rouen,

Monsieur le représentant de M. le Président de Région et de Mme la Sénatrice,

Monsieur le Délégué Général du Souvenir Français pour la Seine-Maritime,

Mon Général,

Messieurs les Officiers,

Mesdames et Messieurs les porte-drapeaux

Messieurs les Présidents de l’OGEC, de l’APEL et de la SA,

Madame la représentante du Président de l’Association des Anciens Élèves de Join-Lambert,

Mesdames et Messieurs, en vos charges, fonctions et qualités,

Chers Professeurs et Chers Élèves, rassemblés sur cette Cour Saint-Joseph,

Cour qu’il me plaît d’appeler depuis 11 ans « Cour d’Honneur »…

Oui, c’est un grand honneur que d’accueillir aujourd’hui, en nos murs, un drapeau – le drapeau de l’ancienne section de l’Union Nationale des Parachutistes de Rouen – en présence de vous tous.

Le Souvenir Français qui nous confie ce drapeau est une association née à la fin du XIXe siècle, dans le contexte de la perte de l’Alsace et de la Lorraine, associée au souci de maintenir un patriotisme vivant, malgré le contexte défaitiste qui régnait alors en France. Soyons clair : le patriotisme n’est en rien une forme de nationalisme ou de repli identitaire. Ces notions, trop souvent confondues au cours du XXe siècle (plus ou moins volontairement, mais plus souvent par ignorance), doivent être distinguées. Le patriotisme est l’attachement et l’amour pour un héritage, celui de nos pères, celui qui nous vient des générations passées. Héritage à la fois matériel, spirituel, intellectuel et moral, qui peut nous édifier ou nous interpeller ; mais qui constitue toujours un patrimoine qui nous rassemble et nous unit. Ainsi, la mission du Souvenir Français s’articule autour de trois principaux axes : le souvenir des morts pour la France, l’entretien des monuments honorant leur mémoire et la transmission auprès des jeunes générations. C’est dans ce dernier volet que s’insère naturellement notre partenariat avec le Souvenir Français.

À travers cette remise officielle du drapeau et la création d’une garde au drapeau par quelques-uns de nos élèves, nous posons aujourd’hui un acte éducatif fort. Ce drapeau est le symbole des valeurs de notre Nation, mais aussi celui de l’engagement et du sacrifice de ceux qui se sont battus, au nom de ces mêmes valeurs, sous ces mêmes couleurs. Exposé à l’Institution, il sera, pour notre Communauté Éducative, le rappel permanent de notre devoir de mémoire. Un devoir de mémoire, que nous ne voulons pas vivre comme une nostalgie mémorielle, mais comme une source, enracinée : autant dans notre Histoire collective que dans nos histoires personnelles, qui invite au dépassement de soi à travers l’engagement.

Enfin, le choix de ce drapeau n’est pas anodin. Il vise à rendre hommage à l’un des anciens élèves de l’Institution : je veux parler de Pierre SEGRÉTAIN, scolarisé de 1923 à 1928 à Join-Lambert (n° 252), dont une récente promotion de Saint-Cyr (2006-2009) a choisi de porter le nom. En effet, ce dernier s’est illustré particulièrement comme chef du 1er Bataillon Étranger de Parachutistes pendant la guerre d’Indochine, où il trouva la mort, voilà presque 70 ans, dans la soirée du 8 octobre 1950, lors de la bataille de la Route Coloniale 4 (RC4). Meneur d’hommes hors pair, officier respecté par tous, même par ceux contre lesquels il se battait ; sa biographie est édifiante de ce point de vue. Une figure issue de notre École, donc, à laquelle nous avons souhaité rendre un hommage digne et solennel, en présence de membres de sa famille, que je remercie chaleureusement : pour leurs encouragements et pour leur présence, ce jour.

« C’est au milieu de ses hommes que Pierre Segrétain s’est éteint lentement, en officier et en chrétien, aussi maître de lui devant la mort, qu’il le fut, quelques années avant, dans le triomphe de la victoire. Il restera pour ses chefs, ses pairs et ses subordonnés, un impérissable exemple d’idéal, de droiture, de sacrifice consenti et d’humanité profonde. » peut-on lire quelques jours après son décès.

Droit et exigeant – jamais ses hommes ne commirent d’exaction en parallèle des faits de guerre ; il ne l’eût pas permis -, ces qualités avaient été déjà probablement remarquées par ses professeurs, lorsqu’il fréquentait l’Institution Join-Lambert… Car, c’est bien connu, les qualités acquises dans le jeune âge se gardent toute la vie ! Ainsi, Pierre Segrétain avait très tôt compris qu’un vrai chef se doit de montrer l’exemple en tout, à tout instant, qu’on ne transige pas avec la réalité, qu’on l’affronte vaillamment et qu’on renonce à soi-même : bref, qu’on n’a rien donné tant qu’on n’a pas tout donné.

Alors, chers amis, quelle leçon tirer de l’exemple héroïque de Pierre Segrétain ?

En tout premier lieu, la notion de courage : le courage est certes exigeant mais permet à l’Homme de donner à la liberté sa grandeur, refusant le conformisme, la paresse, le à-quoi-bon fataliste qui, au final, ne peut pas rendre ni très heureux, ni digne. Et par conséquent, que faisons-nous de notre vie ? On en revient toujours au même point : il ne s’agit pas moins, que de donner sa vie, librement, non par faiblesse ni par fuite, mais par choix et par volonté, pour servir Dieu, sa Patrie, et ses frères les hommes.

En second lieu, l’héroïsme d’aujourd’hui ne consiste-t-il pas D’ABORD en des tas de petits actes que, je le sais, vous posez au quotidien, chers élèves, chers professeurs et chers amis : encourager l’affligé, consoler le triste, poser un regard bienveillant sur celle ou celui qui est en faiblesse, aller même jusqu’à sourire à celui ou à celle qu’on aime un peu moins, prononcer une parole qui redresse, qui dit du bien, qui fait du bien, qui vient du cœur.

AUJOURD’HUI, nous nous engageons donc à conserver dignement ce drapeau. Puissent ces couleurs nous rappeler au fil des jours et des générations que, malgré toutes les tensions qui traversent notre société, notre pays et le monde, nos valeurs sont précieuses et porteuses de sens pour l’idée que nous nous faisons de la civilisation, de la personne hu-maine, de la liberté.

Et, en souvenir de Pierre Segrétain, oui, définitivement, André Malraux avait bien raison d’écrire : « Le tombeau des héros est le cœur des vivants ».

À tous ceux qui ont joué et couru sur cette Cour d’Honneur

Et qui sont morts au Champ d’Honneur

À nous le souvenir, à eux l’immortalité !

Jean-Dominique EUDE, Directeur

Mesdames et Messieurs les élus,

Monsieur le Directeur de l’Institution Jean-Paul II,

Mesdames et Messieurs les Présidents et membres de l’O.G.E.C., de l’A.P.E.L., de la S.A. et des anciens élèves de Join-Lambert,

Mesdames et Messieurs les acteurs de la Communauté éducative,

Mon Général,

Messieurs les Officiers,

Messieurs les Sous-Officiers, Caporaux-chefs et militaires du rang,

Mesdames et Messieurs les porte-drapeaux,

Madame et Messieurs les parachutistes,

Mesdames et Messieurs les responsables et les membres des associations patriotiques,

Mesdames et Messieurs les responsables et les membres du Souvenir Français,

Mesdames et Messieurs les invités,

Enfin, très chers élèves,

À l’occasion de cette cérémonie de remise de drapeau, mon intervention comportera trois parties. Pour commencer, je parlerai du Souvenir Français, ensuite, j’aborderai ce qui rend pertinent de remettre un drapeau à un Établissement scolaire. Enfin, il conviendra de justifier le choix du drapeau et du héros que l’on veut honorer.

Je ne reprendrai pas une présentation du Souvenir Français excellemment réalisée par M. Eude, mais j’apporterai quelques précisions sur ses actions. En Seine-Maritime, nous avons la charge de 5016 tombes de soldats Morts pour la France ce qui correspond UNIQUEMENT à ceux qui n’ont plus de familles pour entretenir et fleurir leurs tombes.

Afin d’honorer et de perpétuer le souvenir des sacrifices de ces soldats, les adhérents du Souvenir Français participent naturellement aux cérémonies commémoratives nationales et locales avec les autorités civiles, militaires, religieuses et les AC. Prochainement, ce sera le cas à l’occasion du 11 novembre et, peut-être, vous associerez-vous à nous ?

Mais, le Souvenir Français est très largement engagé dans toutes les actions favorisant la transmission de la mémoire et des valeurs qui ont animé ces combattants jusqu’au sacrifice suprême, valeurs qui ont été décrites précédemment par M. Eude.

Ces actions sont très variées et nous sommes actuellement en train d’en vivre une en remettant un drapeau à votre établissement scolaire.

En effet, à la suite d’une convention signée entre le Souvenir Français et l’institution Jean-Paul II, il a été convenu qu’un drapeau associatif serait confié à l’établissement pour une durée de trois ans, cette convention étant reconductible.

Cette remise de drapeau suscite au moins deux questions, d’abord quelles significations peut-on y trouver, ensuite comment le choisir ?

Tout d’abord, il ne s’agit nullement de folklore. Cela n’a rien de comparable avec une remise de fanion comme dans un jumelage ou lors d’un tournoi sportif. Ce n’est surtout pas non plus vouloir se rassembler autour de ce drapeau pour s’isoler entre nous et exclure ceux qui ne le reconnaissent pas.

NON, ce drapeau est le symbole de la République de France et représente ses valeurs, celles que vous apprenez ici et dans vos familles. Il rappelle également toutes les actions héroïques et les sacrifices consentis par ceux qui ont été jusqu’à donner leur vie pour le Pays.

MAIS, Ces soldats que l’on évoque ne doivent pas être des inconnus pour vous car, quand vous venez à l’école chaque matin, vous passez devant les listes des anciens élèves qui sont morts dans les différentes guerres. Sur le mur de droite, il y a beaucoup de noms. Ce sont ceux des victimes de la guerre 1914/1918, celle dont nous avons commémoré le centenaire de l’armistice l’an passé. En face, il s’agit de ceux qui ont péri lors de la guerre de 1939/1945. Dans la partie basse, figurent ceux de la guerre d’Indochine et de la guerre d’Algérie.

Mais, comment faire le lien entre un combattant et un drapeau particulier ?

Nous allons simplement transposer ce que l’on réalise lorsque l’on procède à la géolocalisation des tombes. On fait tout d’abord, une présentation succincte du soldat dans son environnement familial, local, professionnel ou même scolaire. Dans notre cas, on va s’appuyer sur l’établissement scolaire de notre héros.

Ensuite on le situe dans le milieu où il fait la guerre en l’intégrant et en l’individualisant au groupe dans lequel il prend part au conflit. À partir de ce moment, on est conduit à citer des faits qui ont contribué à constituer l’histoire de notre Pays. Il s’agit de l’histoire qui rassemble, l’histoire qui forme des citoyens partageant les mêmes valeurs, l’histoire qui nous rend frères et libres puisqu’égaux. Il est alors facile de choisir l’élève qui sera honoré et de trouver le drapeau qui correspondra le mieux à lui.

Justification du choix du drapeau et de l’ancien élève. Si l’on a vu que l’on pouvait passer du nom d’un ancien élève à un drapeau, il nous reste à voir pourquoi le drapeau porte l’inscription « Union nationale des parachutistes » ? La réponse est toute simple, c’est que le Chef de Bataillon SEGRÉTAIN était parachutiste.

Vous avez entendu dire qu’il y avait des cavaliers, des fantassins, des artilleurs etc. Eh bien, les parachutistes sont également des cavaliers, des fantassins, des artilleurs etc. MAIS, il leur arrive de sauter en parachute avant d’aller combattre. C’est pourquoi on les appelle aussi les TAP, ce qui signifie Troupes Aéro-Portées.

Les parachutistes sont arrivés tardivement dans l’Histoire, pratiquement en 1940 ! Cependant, cela ne les a pas empêchés d’inscrire sur leurs drapeaux de multiples faits d’armes illustrant leurs qualités spécifiques.

Comme vous l’avez deviné, on peut faire un parallèle entre JP2 et les Paras. En effet, vous êtes une jeune école, dans sa onzième année. POURTANT vous avez déjà, malgré les apparences, une longue histoire, celle des trois établissements dont vous êtes issus et que vous perpétuez. Il n’existe aucune opposition. Regardons encore chez les Paras. Les cavaliers du 1er Hussard de Tarbes fêtent saint Michel, patron des Paras, mais aussi Saint Georges, patron des cavaliers.

C’est pourquoi les Morts dont les noms sont gravés sous le porche sont devenus ceux de JP2. Par ailleurs, tout comme les Paras ont inscrit, malgré leur jeune âge, des exploits remarquables, vous ferez de même et serez dignes de vos anciens comme le CBA Segrétain.

Un de ses fils en parlera ultérieurement de façon plus personnelle. Le CBA Segrétain est un personnage marquant chez les parachutistes. En plus de ses qualités et de ses actions remarquables, l’histoire a retenu de lui qu’il contribua à imposer les parachutistes au sein de la Légion Étrangère. Il fut d’ailleurs le premier chef de Corps d’une unité parachutiste à la Légion.

Parti en 1948 en Indochine, il fut de toutes les opérations et de tous les coups durs à la tête du 1er BEP. Lors de la bataille de CAO Bang, septembre – octobre 1950, le CBA Segrétain et le 1er BEP furent désignés pour assurer la sécurité d’une manœuvre d’évacuation. Au cours de cette bataille, qui eut lieu sur plusieurs sites successifs, il fit preuve avec ses hommes de toutes les qualités guerrières et humaines. Pour assurer leur mission, ils se battirent jusqu’au bout, se sacrifiant sciemment afin de permettre aux autres unités de sortir du piège des calcaires de CocXa.

Ils étaient arrivés à 500, or, SEULS 23 légionnaires rejoignirent les lignes amies.

Vous voyez donc bien que le drapeau des parachutistes et le nom du CBA Segrétain que vous allez voir tous les jours maintenant, sont justifiés pour honorer et conserver la mémoire de nos grands anciens et chercher à cultiver les qualités dont ils ont su faire preuve. Mais vous aurez aussi besoin d’être aidés par vos familles et vos professeurs sachant toutefois que RIEN ne peut se faire sans vous. La fin de la prière des Paras le spécifie d’ailleurs très bien, je cite:

Donnez-moi, mon Dieu, ce qui vous reste,

Donnez-moi ce dont les autres ne veulent pas,

Mais donnez-moi aussi le courage et la force et la Foi

Car vous êtes seul à donner ce qu’on ne peut obtenir que de soi

(Extraits d’un texte trouvé dans les affaires de l’aspirant André ZERNHELD, agrégé de philosophie dans le civil et mort au combat dans le désert de Lybie.)

Jack DUVAL, Délégué Général pour le Souvenir Français