Un petit cahier, un grand trésor
Paul Baffault, ancien élève de notre Prépa Sciences Po, poursuit sa scolarité à l’IEP de Toulouse, malgré les difficultés liées au contexte sanitaire. Il s’est installé dans « la ville rose », même s’il revient souvent en Normandie, distantiel oblige. Sur les conseils de M. Buleux Professeur d’Histoire, il a auto-édité Simone Alexandre, infirmière durant la Seconde Guerre mondiale en novembre dernier et en a rédigé la préface. Simone Alexandre est l’arrière-grand-mère de Paul et a pour particularité d’avoir tenu un « petit cahier bleu » pendant plusieurs mois lors du dernier conflit mondial. Le contenu de ce cahier a été retranscrit dans ce livret. Un grand merci Paul et belle continuation !
F. Buleux – G. Goujon – J.-D. Eude
Il aura fallu l’avènement d’un deuxième confinement pour que je débute enfin un projet qui m’était dès lors abstrait. C’est au cœur d’une conversation familiale que j’ai appris l’existence d’un petit cahier bleu au sein duquel mon arrière-grand-mère, Simone Alexandre, aurait retranscrit son quotidien en tant qu’infirmière dans un hôpital de campagne lors de la Seconde Guerre mondiale. Je n’y avais alors que peu prêté d’attention : grave erreur de ne pas prêter attention au passé et à l’histoire.
Il est vrai qu’à première vue ce petit cahier bleu a bien un aspect peu engageant : quelques feuilles s’envolent à son contact, l’écriture petite, rapide et allongée repousse les potentiels et courageux lecteurs, préservant les richesses qu’il contient. En effet après une première lecture, légèrement ardue, j’ai rapidement compris que ce que je tenais dans les mains était un réel trésor. Un trésor ayant survécu à l’épreuve du temps, pour nous rappeler le passé et tout ce que nous n’avons pas connu. En écrivant dans ce cahier son quotidien, ses péripéties, ses questionnements, Simone Alexandre nous laisse un récit foisonnant de détails, de sincérités et de vraisemblances.
Son récit au sein de l’hôpital de campagne de Marcoing nous offre une clé de lecture pour comprendre la mentalité qui régnait au sein de ces établissements médicaux, si nécessaire en temps de guerre. À travers ses écrits et son choix des mots, l’appréhension face à la défaite française et les débuts de l’occupation allemande y sont parfaitement perceptibles. La force de son récit est également d’évoquer les horreurs et souffrances auxquelles sont confrontés les civils, les militaires et les infirmières. Rien n’est plus saisissant que de s’imaginer le désespoir de soldats condamnés, sur des lits ployés sous le poids de leurs traumatismes, par de graves blessures, sous le regard frustré d’infirmières saisies par les perpétuels gémissements.
C’est pourquoi il m’est apparu indispensable de numériser son récit pour pouvoir le partager au sein de ma famille. Par ailleurs, l’analogie entre la lutte quotidienne du personnel médical aujourd’hui contre la Covid-19 et les infirmières de guerres est frappante. Environ quatre-vingts ans auparavant, et comme aujourd’hui, des infirmières étaient réquisitionnées, mais cette fois-ci pour anesthésier, soigner et réparer des blessures causées par les armes et non par un virus transmissible, microscopique mais tout aussi odieux.
Grâce à la rapidité, l’efficacité et la facilité qu’offre internet, la retranscription du récit a pu être imprimée pour les fêtes permettant une distribution de celui-ci lors des repas familiaux restreints. Dorénavant, l’éloquent récit de Simone Alexandre a pris une petite place dans plusieurs étagères ; sa conservation étant assurée par cette diffusion, le petit cahier bleu original, a, lui, pu retrouver sa place, bien caché dans un tiroir, au fond d’un grenier exigu.
Paul BAFFAULT, ancien élève de la Prépa Sciences Po