31 Déc

31décembre@2024.fr

« Arobase », « arobas », « arrobe », « escargot »… en français comme dans toutes les langues la forme de l’@ lui vaut des appellations aussi fantaisistes qu’évocatrices. Du « shtrudel » (gâteau) israélien (שטרודל) à l’ « apestaart » (queue de singe) hollandais, en passant par le « snabel » (trompe d’éléphant ou prolongement nasal chez les proboscidiens), le « kanelbulle » (brioche à la cannelle) suédois, ou le « сьлімак » (escargot) biélorusse, soit le « chiocciola » (escargot aussi) italien (nom féminin dans la langue de Dante Alighieri), … sa connotation est toujours positive.

L’origine du signe est la ligature (fusion graphique de deux caractères consécutifs) par les moines copistes du « ad » latin (« à » ou « vers » en français, « at » en anglais) où le « a » et le « d » cursifs ont fini par se confondre, le « d » s’enroulant autour du « a ». Le philologue Berthold Louis Ullman, à qui l’on doit cette hypothèse, date son apparition au VIe siècle.

Quant au mot « arobase », il proviendrait d’une déformation de « a rond bas (de casse) », c’est-à-dire un « a » minuscule entouré d’un rond. Puis, il y aurait eu confusion avec une unité de mesure espagnole (toujours utilisée dans certains pays d’Amérique du Sud, au Portugal et en Espagne) l’ « arroba » (25 livres espagnoles, soit 11,502 kg), dont le nom français est « arrobe ». Cette mesure espagnole viendrait elle-même de l’arabe « ar-rub » (الربع , c’est-à-dire : « le quart »).

En effet, l’@ resurgit en plein XIIe siècle. D’après le paléographe Marc Smith, de l’École des Chartes, c’est dans les comptes des marchands florentins (mais aussi espagnols) qu’on le retrouve ; il symbolise une unité de poids ou de mesure – l’amphore – sous la forme d’un a stylisé, mais aussi pour indiquer une date « a di », voire un taux d’intérêt. Pendant les siècles suivants, il fut employé çà  et là dans les écritures commerciales ou religieuses. Mais c’est aux États-Unis que son usage s’est vraiment répandu dès le XIXe siècle pour noter le prix unitaire des marchandises. « Deux chaises à 20 dollars pièces » se notait « 2 chairs @ $ 20 » et se lisait « two chairs at twenty dollars ». L’usage en est resté pour les américains qui lisent toujours « at ».

Et c’est tout naturellement pour cet usage comptable que ce symbole a fait son apparition sur les claviers des machines à écrire dans les années 1880, d’abord sur les machines à usage commercial, puis sur toutes. Lors de l’apparition des claviers informatiques, quatre-vingts ans plus tard, le signe avait quasiment perdu son sens. Mais c’est précisément grâce à cette absence de signification dans le langage courant qu’il fut utilisé par les informaticiens comme marqueur logique et inséré dans les caractères informatiques standard (American Standard Code for Information Interchange alias ASCII). Et, comme le « at » américain pouvait aussi servir à localiser les choses, c’est sans doute pourquoi il a été choisi en 1971 par Ray Tomlinson, ingénieur américain, pour indiquer la localisation du serveurs (ou boîte à lettre) du premier courrier électronique. Il connut alors la fortune que l’on sait en devenant le symbole d’Internet…

Corbeau furtif, @li@s « alt+064 »