Carrières du Social : un témoignage
Le 28 novembre dernier, nous avons rencontré M. Jean-François Mary, ancien directeur pédagogique des deux centres éducatifs fermés du Département (Saint-Denis-le-Thiboult et Doudeville) et ancien directeur de l’Unité pédagogique au sein de la Maison d’arrêt de Rouen.
Il a d’abord enseigné le français en établissement scolaire spécialisé dans les troubles du comportement et du caractère. Après être intervenu, en tant qu’enseignant spécialisé auprès de publics divers (handicapés auditifs, déficients intellectuels moyens et légers, amblyopes…) il a par la suite enseigné en maison d’arrêt. Enfin, après avoir passé le diplôme de Directeur d’Etablissements Spécialisés, la direction des établissements cités plus haut lui a été confiée. De plus, il a participé, en tant que Président de l’Association socio-culturelle de la Maison d’arrêt de Rouen à la création d’associations, telles que « L’abri-familles », association destinée à faciliter les visites des familles aux parloirs de la Prison.
Il a également contribué, au sein de la Maison d’arrêt de Rouen, avec son équipe pédagogique, à faire passer de nombreux diplômes tels que le BAC, le brevet, le CFG… (Certificat de Formation Générale ; diplôme qui correspond au niveau 6ème/5ème) ainsi que quelques examens universitaires (depuis le DEUG jusqu’à quelques Capes, Agrégations et Doctorats). Ceci a permis la réinsertion sociale de bon nombre de détenus. Nombre d’entre eux, récipiendaires de diplômes, n’ont pas récidivé. Ce constat positif n’a pas empêché les administrations de tutelle de démanteler les sections de niveaux collège et lycée de l’U.P.P. après qu’il se soit mis en retraite. La tâche des successeurs de M. Mary ne s’en trouve désormais guère facilitée.
Les détenus, en pratique, ont le droit à un parloir d’une heure, par semaine, mais, avec le temps des fouilles, le temps de déplacements des uns et des autres, ces parloirs se trouvent souvent bien réduits en réalité. Il arrive que certains détenus se trouvent confrontés à des parloirs fantômes (lorsque les familles ne peuvent assister au parloir pour causes personnelles ou indépendantes de leur volonté). Les conséquences sont dévastatrices pour les détenus qui se sentent alors délaissés par leurs proches.
Les conditions de vie au sein de la prison sont considérées par nombre d’observateurs comme désastreuses. Les témoignages sur les médias de Madame Adeline HAZAN, Contrôleur général des lieux de privation de Liberté, ne laissent planer aucun doute sur le fait que la France ne respecte absolument pas les droits fondamentaux des personnes incarcérées. Nous pouvons notamment parler de l’espace restreint des cellules, du surnombre de détenus qui y sont entassés, du manque évident d’intimité qui en résulte, des conséquences hygiéniques lamentables qui peuvent en découler. Ces conditions de vie portent indéniablement atteinte à la dignité des détenus.
En conséquence, pour des raisons tant hygiéniques que psychologiques, surviennent de nombreuses maladies comme les maladies de peau (la gale, par exemple…) Certaines maladies de peaux sont dues également au stress et à l’enfermement. La détention peut provoquer des troubles liés à la perte des repères spatiaux-temporels et également des troubles psychiatriques et psychologiques. Par ailleurs, dans le cas de certaines femmes on a constaté l’arrêt des menstruations en raison de leur détention. Le livre du Dr. Véronique Vasseur, ancien médecin-chef de la Maison d’arrêt de la Santé, auteur de Médecin-chef à la prison de la Santé (Ed. Livre de Poche.), est éloquent à ce propos.
D’autre part, les repas ne sont pas forcément adaptés à la faim des détenus, en dehors du « plateau réglementaire », aucun complément de nourriture n’est servi. Il est évident que tous les détenus n’ont pas des besoins nutritionnels strictement identiques… Les repas sont confectionnés par une société privée qui a signé un contrat avec l’Administration Pénitentiaire.
Il existe des emplois pour les détenus dans des domaines tels que la plomberie, la serrurerie, la peinture, la maçonnerie… Quelques emplois sont aussi proposés en cuisine … Ces ateliers permettent l’entretien courant et indispensable des locaux. D’autres détenus, ceux qui ont la « chance » d’être retenus, se soumettent au travail à la tâche et à la pièce, souvent dans des travaux répétitifs, rébarbatifs et vraiment peu valorisants, dans des ateliers de conditionnement, d’assemblage… D’autres enfin travaillent au « service général » : ils assurent essentiellement le ménage dans la détention et le service de distribution des repas. Les listes d’attente sont longues pour accéder à un emploi. Bien que les rémunérations soient très alléchantes pour les employeurs, il n’y a pas, de leur part, pléthore de propositions d’emplois.
Les femmes, quant à elles, outre la participation au fonctionnement d’une petite laverie, n’ont accès qu’à des tâches ménagères à l’intérieur de leur lieu de détention : la M.A.F. (Maison d’Arrêt des Femmes). Elles sont susceptibles cependant d’être sollicitées pour assurer l’entretien des bureaux, ou plus souvent des communs, dans les lieux administratifs de la détention.
Néanmoins, ces détenus sont très mal payés. Même si leur salaire peut épargner, pour partie, à leur famille, à l’extérieur des murs, de devoir les aider, ce qu’ils perçoivent ne leur permet pas de cantiner autant que nécessaire, Cantiner c’est commander, à partir d’une liste proposée par le même prestataire qui propose les repas quotidiens, des denrées à partir d’une liste de produits (tels que fruits et légumes, biscuits, papier à lettres et enveloppes, cigarettes (uniquement pour les plus de dix-huit ans)… etc. ; et ce, afin de compenser des manques ressentis en raison des portions congrues qui sont servies.
Enfin, nous élèves de Prépa Carrières du Social, avons beaucoup apprécié l’intervention de M. Jean-François Mary car elle a été énormément gratifiante, et enrichissante et parce que cela reflétait bien la réalité.
Nous avons pu éclaircir de nombreuses questions et revoir moult préjugés.
La Prépa Carrières du Social