L’Institution, sa charte graphique et… Garamond
Nombre d’entreprises utilisent de nos jours une charte graphique. Une charte graphique (du latin charta signifiant papier, qui a pris le sens de « loi » ou « règle fondamentale » en français) ou un « cahier des normes graphiques » regroupe et traduit graphiquement l’univers et les valeurs d’une entreprise. La visée d’un choix de politique éditorialiste est le développement d’une cohérence identitaire à tous les niveaux de l’entreprise, quels que soient les intervenants, partagée comme un signe de reconnaissance homogénéisant un projet, en parlant d’une seule voix au travers d’une constante visuelle ; ou, dit autrement, en ce qui concerne l’Institution, une signature communautaire graphique.
Lors de la création de l’Institution Jean-Paul II, dont nous fêterons cette année (déjà…) le 10ème anniversaire, très logiquement un choix de charte graphique a été rédigée. La règle typographique s’est alors portée sur le Garamond ; décliné, par exemple, en italique gras et en bleu nuit pour tous les courriels envoyés au nom de l’Institution. C’est cette police de caractères qui depuis est la norme pour toute communication interne ou externe. Si ce choix – se voulant respectueux d’un esprit mêlant tradition et élégance (elle est dite « fluide et cohérente, reconnaissable à la finesse de ses lettres et économe en encre… ») – ne se discute pas, l’origine du nom mérite quelques éclaircissements…
Claude Garamont (1499-1561), souvent orthographié Garamond (avec un « d » final, du fait de son pseudonyme Garamondus) était, aux balbutiements de l’imprimerie, « tailleur et fondeur de caractères ». Il demeure aujourd’hui l’un des plus importants créateurs de caractères du XVIème siècle. Avant de mettre au point la police de caractère éponyme qui fit sa renommée, Claude Garamont fourbi ses armes en créant les « Grecs du roi », police remarquée en son temps, classée aujourd’hui monument historique et conservée à l’Imprimerie Nationale. Mais le chef-d’œuvre de Claude Garamont est incontestablement le jeu de poinçons et sa matrice de caractères romains dont la qualité supplanta les caractères gothiques en usage à l’époque et qui devinrent l’un des supports privilégiés de la vague de rééditions d’auteurs latins au cours de la Renaissance. Parmi les caractéristiques uniques de ses lettres, on notera avec délectation « la petite panse » du « a » ou « le petit œil » du « e »…
À sa mort en 1561, ses poinçons et matrices sont vendus à Christophe Plantin, imprimeur français établi à Anvers. Aujourd’hui, le seul jeu complet des poinçons originaux de Garamont est conservé au musée Plantin-Moretus à Anvers, sur les bords de l’Escaut, dont nous remercions le conservateur, M. Laurent Benoist, pour ses lumières, sa disponibilité et son accueil.
Riccardo BERGOMI