23 Mai

Quelques mots de craie

Une petite surprise, en démontant un tableau blanc…

Sous le tableau blanc, l’ancien tableau vert était là.

Depuis plusieurs années.

Figé.

Immobile.

Et sur ce tableau, quelques mots d’un cours de latin et de philologie.

Et cette écriture, celle de Pierre, si appliquée et parfaitement formée.

Emotion d’un souvenir qui ne s’efface pas.

Pas plus que ces quelques mots de craie déposés sur ce tableau vert.

L’instant, fragile et fugace, germe surprenant d’éternité.

Jean-Dominique EUDE

*

Exeant omnes !

La surprise fut grande lorsque l’on découvrit Pompéi vers 1748. Ce qui s’offrait alors au monde n’était rien d’autre qu’un instant de vie figé par l’éruption du Vésuve en 79 apr. J.-C. Un moment tragique dont nous gardons collectivement encore la trace. Et c’est bien de traces dont il s’agit, puisque de nombreux murs de la ville présentaient alors des inscriptions gravées, parfois jusqu’à l’intérieur des villas elles-mêmes.  Quelle ne fut pas alors notre surprise lorsque nous avons découvert pareille inscription à Jean-Paul II. 

Le bâtiment du père Morin qui accueille ordinairement les lycéens entame une rénovation complète qui va durer tout l’été. Il fait comme peau neuve pour accueillir les élèves dès septembre.  Or, une équipe de surveillants qui extrayait définitivement les tableaux qu’on appelle Velléda du nom de cette antonomase, a fait une découverte surprenante. Là, derrière le tableau blanc se trouvait l’ancien tableau noir pour lequel on utilisait des craies. C’est même ce tableau, remarquablement fixé dans le mur, aquilae senectus, la vieillesse de l’aigle, qui servait de soutient au nouveau. Mais la surprise n’était pas là.  Ce tableau comportait en effet une série d’inscriptions. 

Il nous est difficile, privé d’un contexte qui nous fera sans doute définitivement défaut de comprendre véritablement la portée de ces marques. Mais, s’offrirent alors aux regards ébahis des présents, les traces d’un cours passé à jamais figé dans le temps. On y évoquait l’expression du désir au moyen du gérondif au génitif, et naturellement parmi ces différentes formes, le plus noble d’entre eux, le désir de savoir. 

Ainsi, tous les secondes 5 qui occupaient cette salle numérotée 299 ont passé l’année devant des inscriptions en latin, sans en avoir connaissance. 

Cela pose évidemment une série de questions qui ne trouveront sans doute aucune réponse définitive.  Notamment, nous ne saurons pas pourquoi ce seul tableau n’a pas été effacé, avant son remplacement. Est-ce une dernière version avant les vacances ? Faire son miel jusqu’aux toutes dernières minutes de cours ? Voilà une hypothèse compatible avec ce désir de savoir que l’enseignant semble avoir cerclée d’un geste vif, comme pour insister sur son propos. Ignoramus et ignorabimus sed docta ignorantia ?

Julien DEHUT