Frédéric Ozanam à JP2…
Fondateur de la Société Saint-Vincent-de-Paul en 1834, avec l’aide de la jeunesse catholique de Paris, Frédéric Ozanam a provoqué un élan salvateur de charité qui s’est propagé dans le monde. Amoureux de Dieu et grand intellectuel, il n’a pas laissé sa jeunesse le ralentir dans son combat contre la misère sociale. Imaginons la naissance de cette idée révolutionnaire dans l’esprit du jeune Frédéric. À l’Institution, une salle porte le nom de « Salle Frédéric Ozanam » : salle d’entraide et de parrainage ; tous les mardis, des jeunes de Seconde vont aider la Société Saint-Vincent-de-Paul… Allez, on vous dit pourquoi…
Paris, février 1833. La neige de la veille craque sous les pas de Frédéric, tandis qu’il déambule dans le quartier de l’église Saint-Médard. Malgré le ciel ensoleillé et une belle messe matinale, le jeune Lyonnais est perdu dans ses pensées.
Les paroles troublantes d’un camarade de l’université le travaillent depuis quelques temps. Le catholicisme est-il réellement mort ? Les temps des prodiges de la foi sont-ils révolus ? Non, c’est impossible. L’amour de Dieu est pour tous les temps et toutes les générations. Mais alors pourquoi la France souffre-t-elle ainsi ? Aller à la messe, communier et écouter les homélies n’est pas suffisant. Enseigner le catéchisme et distribuer la soupe aux mendiants ont leurs limites.
Il lève enfin la tête lorsque les cloches de Saint-Médard sonnent, appelant les fidèles à la messe de 10h. Il songe y retourner une seconde fois pour demander de l’aide à Dieu. Quelques personnes accélèrent le pas et se hâtent vers le sanctuaire.
– V’la les bons chrétiens qui vont à la messe du dimanche comme des gens bien, ricane une voix. Et ça file tout aussi vite quand faut aider les pauvres, hein ? Elle est belle la charité chrétienne !
Une bonne femme toute menue couverte d’un châle troué se trouvant sur le parvis lance un regard mauvais aux fidèles. Ses cheveux mal coiffés sous son bonnet et les cernes sur son visage trahissent un grand manque de sommeil. D’un air agacé, elle secoue la tête avant de croiser le regard de Frédéric. Avec un sourire en coin aussi peu sincère que son rire, elle s’approche de lui et vient lui prendre le bras.
– Et alors, mon bon m’sieur, on n’offre pas d’verre aux demoiselles dans le froid ?
Une odeur nauséabonde de whisky et d’humidité monte à la tête de Frédéric, mais celui-ci combat son dégoût et s’interdit un mouvement de recul.
– Je trouve qu’il est un peu tôt pour de l’alcool, répond-t-il en s’efforçant de sourire. Mais si vous l’acceptez, je vous offre volontiers un café.
La femme écarquille les yeux, abasourdie, avant d’éclater d’un rire gras mais sincère cette fois.
– Z’êtes marrant vous !
– Pardonnez mon indiscrétion, demande-t-il. J’ai cru comprendre que vous aviez besoin d’aide.
Elle le dévisage avec méfiance quelques instants, avant de hausser les épaules, et de lui raconter l’état pitoyable de sa maison, qu’avec son travail d’ouvrière, elle n’a ni le temps, ni les moyens de s’en occuper.
– Je serais pas aussi embêtée si y’avait que moi dedans, continue-t-elle. Mais avec le mari qu’est plus de ce monde, ma fifille elle est toute seule. J’veux pas qu’elle se blesse, moi, mais j’peux pas la mettre dehors par ce froid.
C’est au tour de Frédéric d’être bouche-bée. Bien sûr ! La réponse à ses questions est là, sous son nez. Il ne faut pas attendre que les pauvres viennent à lui. C’est lui qui doit aller chez eux. Pour les visiter, les aider à faire ce qu’ils n’ont pas le temps de faire, leur donner du temps… Comme le faisait saint Vincent de Paul. Il faut absolument en parler à l’abbé Noirot !
– Z’êtes un drôle d’oiseau, m’sieur, dit alors la bonne femme, à écouter les tourments d’une sotte qui a trop bu.
– Je suis vraiment navré, lui dit Frédéric. Je vais devoir y aller. Mais dites-moi où vous habitez. J’aimerai vous aider à réparer votre toit.
Il s’attend à l’entendre rire à nouveau, et dire qu’elle ne croit pas à son hypocrite charité chrétienne. Mais au lieu de cela, un sourire radieux se dessine sur son visage, lui retirant dix ans d’âge. Frédéric le sait à présent : c’est ce regard plein d’espoir et de confiance qu’il souhaite offrir aux miséreux.
– Je suis du quartier, de la rue Mouffetard. Ici, tout le monde connaît Hélène Guibout. Suffit de demander. Et vous m’sieur, votre nom ?
– Frédéric Ozanam.
– Ah, ça ! s’exclame Hélène. M’sieur Hosanna, vous l’portez bien !
Frédéric meurt le 8 septembre 1853 et est béatifié le 22 août 1997 par Jean-Paul II, après une vie de service auprès des miséreux. La Société Saint-Vincent-de-Paul est présente dans 150 pays et compte près de 800.000 bénévoles qui continuent l’œuvre de son fondateur, pour combattre la misère.
Source : Aleteia