If
En Première, il faut besogner : l’examen de français est au bout. Un programme a cadenassé l’année : il étouffe chaque élève dans une chaîne dont chaque nouveau texte est un maillon serré. Au moins a-t-il cette ouverture : chaque nouveau thème mérite des éclairages. On n’analyse plus : on découvre et on se rue vers l’art pour arracher des pépites aux sentiers battus. Films, chansons, peintures, tout est prétexte à ouvrir les esprits et les univers.
En Première 2, on a profité d’une thématique dédiée à l’éducation pour lire dans un parcours buissonnier le texte de Rudyard Kipling : « If ». Tout le monde connaît : un père écrit à son fils… « Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie / Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir / Ou perdre en un seul coup le gain de cent parties / Sans un geste et sans un soupir… » La conclusion est fameuse : « Alors les Rois, les Dieux, la Chance, et la Victoire / Seront à tout jamais tes esclaves soumis, / Et, ce qui vaut bien mieux que les Rois et la Gloire / Tu seras un homme, mon fils ! »
L’occasion était belle : les élèves ont pu – enfin – reposer leur esprit d’analyse pour solliciter leur imagination. Le sujet : pasticher le texte de Kipling en l’adressant à l’éducateur idéal. Chacun a apporté sa strophe à cette création collective. Qu’ils soient tous vivement et tendrement remerciés !
Christophe RENAULT, Professeur de français
If
Si tu peux contempler le vestige de ta vie
Et, sans prononcer la moindre locution, tout reconstruire
Si tu sais l’éduquer
Sans le priver de sa liberté
Si seulement tu réalises qu’être maître de famille
Est un titre qui inspire le respect
Tu saisiras l’importance de l’aspect
Qu’elle a d’avoir comme titre celui de ta fille
Si tu sais aimer ce bébé
En n’attendant rien en retour
Si tu arrives à l’éduquer
Sans l’enfermer dans une tour
Si tu sais lui inculquer sensibilité, sagesse et volonté
Il saura patienter, quitter la paresse et te le prouver
Si tu sais le guider vers un amour sincère
Tu apaiseras son caractère
Si tu sais considérer comme mature
Ton plus jeune allocutaire
En gardant à l’esprit, sans une once de mépris,
Qu’un jour tu fus comme lui
Si tu peux accepter ses crises et ses désirs
Sans montrer que cela est un déplaisir
Si tu sais donner l’amour à ta famille
Comme un fil à une aiguille
Si tu peux être heureux sans le rendre malheureux
Et si tu peux être courageux quand il n’y a plus d’espoir, en le rendant plus fort
Si tu peux lui faire partager tes peines sans lui briser le cœur
Si tu peux lui ouvrir ton cœur malgré la distance qui vous sépare
Si tu sais préserver l’équilibre de cet enfant
En lui montrant que ce monde est accueillant
Sans penser que le protéger est essentiel
Le laisser prendre son envol, là-haut, dans le ciel
Si tu sais le gérer, le protéger et l’aider
Sans jamais devenir destructeur de son bonheur
Si tu sais lui redonner le sourire lorsqu’il lui est arrivé malheur
Savoir que tu es l’unique personne là, pour lui, à toute heure,
Si tu sais le protéger
Sans le priver de libertés
Et désirer le meilleur
Sans lui imposer tes idées
Si tu sais écouter sans juger
Ecouter les tourments et consoler les maux,
Apaiser les inquiétudes par des douceurs et transformer les pleurs en rires
Si tu sais deviner le mal-être derrière tous ses sourires
Alors, sous ton bienveillant regard, un jour, il affrontera la vie,
Les joies, les peines et les soucis
Un jour sera béni, celui où il t’adressera mille mercis,
Tu seras un bon maître !
La Première 2 (38 élèves)