06 Juil

Hommage à Mme Blandine Hubau

À l’instar de toutes les belles âmes sensibles et désintéressées, Blandine avait horreur qu’on la complimente.

Alors…

 

Comme Directeur, j’espérais intimement n’avoir jamais à vivre cette situation ; je priais même le Ciel de me l’épargner. Pour ne pas avoir à surmonter cette infinie douleur, cette tristesse si profonde et si puissante qu’elle nous paralyse et nous révolte. Pour ne pas avoir à affronter l’éternelle question qui nous dépossède de toutes nos assurances, qui nous fait trébucher sur nos chemins de vie, qui nous renvoie : au plus intime de nous-même, au regard que nous portons sur l’autre, à la Foi que nous avons en l’Autre.

À l’aube de ses 60 ans, voici juste une semaine, Blandine Hubau, Professeur de Physique-Chimie, a quitté le grand laboratoire de la vie où se jouent des travaux pratiques si complexes et des équations si difficiles à équilibrer… « Notre chère Blandine », comme me l’écrivait son mari, Maxime. Car, oui, Blandine nous était chère, faisait partie de cette famille que nous appelons « notre Communauté éducative », appartenait à cet établissement que nous appelons « notre Maison ».

Titulaire d’une Maîtrise de Sciences Physiques, obtenue à Paris VI, elle enseignera dans trois établissements : Notre-Dame de la Providence, à Vincennes (de 1985 à 1993), puis, à la rentrée de septembre 1998, certifiée depuis dix ans, elle quittait le Lycée privé Jeanne d’Arc d’Arras pour revenir plus près des terres familiales ; c’est ainsi qu’elle a fait tout le reste de sa carrière à l’Institution Join-Lambert puis Jean-Paul II, essentiellement au Lycée et à JP2Sup. J’ai souri, la semaine dernière, en relisant un rapport d’inspection : « Le cahier de textes fait état d’un rythme soutenu » : (presque) tout l’enseignement de Blandine est résumé par ces mots : un cahier de textes rempli ; un rythme… et un rythme « soutenu »… !

Oui, elle aimait ses élèves, ô combien, avec l’exigence, l’énergie et la rigueur scientifique qui la caractérisaient ; avec une certaine distance et, au-delà de l’apparent paradoxe, une indéniable proximité ; les élèves lui rendaient tout cela formidablement, chaque fin année, au départ de chaque promo : les murs de la Salle de Conférences se souviennent encore des standing ovations en son honneur ! La réputation de Blandine n’était plus à faire : chez elle, un oui était un oui ; un non était un non. Chaque année, deux questions revenaient au Conseil pédagogique : la pertinence de deux Bacs Blancs et le nombre d’élèves à « n’absolument pas dépasser » dans un labo… Elle n’était pas d’accord, elle l’avait dit, mais Blandine appliquerait loyalement la règle, s’adapterait à la situation, sans une once d’orgueil, ni de fiel. Quelle solidité ! Quelle fiabilité ! Quelle loyauté !

Certains le savent : depuis mi-décembre, elle a lutté avec toute la volonté possible ; beaucoup l’ont accompagnée par la prière et leurs messages. Et je vous le dis : je sais qu’elle en était touchée, profondément et intensément. Et, joyeuse surprise, le 22 mars dernier, puisant dans d’ultimes forces, elle avait voulu revenir, discrètement, sur la pointe des pieds, faire la photo de classe avec ses chers élèves de Terminale. J’atteste que, ce jour-là, les élèves, Agnès et moi, nous l’avons accueillie avec beaucoup de respect. D’émotion aussi…

Pendant 5 ans, Blandine avait assuré l’équipage de voile de l’Institution, regardant l’horizon avec fierté et audace ; voilà : à l’heure de la grand’voile et d’un cap à franchir, à l’heure de ces vagues à l’âme qui secouent nos esquifs ; à l’heure d’une nouvelle espérance à soutenir et à reconstruire, essayons de croire qu’elle ne nous a pas quittés, mais qu’elle nous accompagne autrement, désormais. À elle à qui je disais, en 2012, à la porte d’un véhicule du Samu : « On est avec vous » ; je crois qu’elle nous répond depuis mercredi dernier et aujourd’hui encore : « À mon tour d’être avec vous »… autrement, pour toujours. Et, j’ose le dire, peut-être, plus particulièrement, à l’équipe si soudée des Sciences expérimentales, dont je mesure tant la douleur et le chagrin.

Alors, au nom de tous – ses collègues et l’équipe de direction, les associations des parents d’élèves, de l’organisme de gestion et l’association des amis de l’Institution, de Join-Lambert à Jean-Paul II – cher Maxime, et vous, Julie, Agathe et Gautier, vous trois que Blandine aimait tant, tout comme les deux « valeurs ajoutées » à venir ; oui, toute l’Institution ne peut qu’exprimer sa profonde compassion et son affection émue.

Un grand merci, Mme Hubau ! Un immense merci, Blandine ! Et permettez-moi de vous bénir pour tout ce que vous avez fait, pour celle que vous avez été, nous qui avons eu le privilège de croiser votre chemin. « Dieu résiste aux orgueilleux, mais Il fait grâce aux humbles » dit Saint Pierre dans sa première Lettre – Saint Pierre que nous fêtions le 29 juin… – et « L’humilité, c’est la vérité » dit aussi Sainte Thérèse d’Avila.

Merci pour cette humilité que vous avez incarnée et que vous nous avez enseignée, et qui, nous le croyons, vous ouvre les portes du Ciel et de la Vérité tout entière.

Jean-Dominique EUDE, Directeur