Joie de la Confession
Afin de bien préparer la Fête de Noël, tous nos élèves ont eu la possibilité de se confesser. Grande joie pour l’Institution d’accueillir de nombreux prêtres et de voir les élèves profiter de cette disponibilité et de ce Sacrement, Sacrement de la Joie. Car, quand nous renâclons au pardon, comme l’enfant prodigue, nous sommes tristes. Le premier pas, c’est le seul qui compte…
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Ce jour-là, je confessais dans la cathédrale. Une jeune femme se tenait tranquillement assise sur le banc du fond. Enfin, extérieurement ! À l’intérieur, ce n’était pas franchement tranquille, cela débattait sec : « Allez ce coup-ci, j’y vais, c’est bon je suis prête, j’y vais, à fond, ce coup-ci c’est le bon, le curé est libre, go ! Oh ! et puis non. Qu’est-ce qu’il va penser de moi si je lui raconte tout ce que j’ai fait ? Et de toute manière, vu que cela fait dix ans que je ne me suis pas confessée, je peux bien attendre quelques jours de plus, je suis sûr que mercredi je serai plus en forme. Et puis moi, de toute manière, je me confesse. Ah ! oui je me confesse, toute seule, comme une grande, j’ai besoin de personne. Je ne sais d’ailleurs jamais trop quoi dire, ou plutôt si, je sais très bien quoi dire, mais je ne peux pas le dire, j’ai trop honte : la dernière fois que je me suis confessée, c’était exactement le même péché, car oui, je n’ai qu’un péché, c’est toujours le même et je le fais toujours. Les autres péchés ? Non ! je n’en ai pas d’autres, je suis blanche comme neige, sauf une tache. C’est mon dernier argument contre l’argument théologique, imparable : cela ne sert à rien de se confesser puisqu’immanquablement on retombe, c’est bien la preuve que ça ne marche pas la confession ! »
Typologie du pénitent
Dans la typologie des personnes qui vont se confesser, il y a celle qui fait les questions et les réponses, c’était notre premier cas, dans laquelle vous vous êtes peut-être reconnu, ou pas du tout : ne vous inquiétez pas, il y a d’autres types de pénitent !
Il y a le mathématique : « Bénissez-moi mon père, je ne me suis pas confessé depuis 12 jours, j’ai reçu l’absolution, j’ai fait ma pénitence, j’ai péché huit fois contre le premier commandement, six fois contre le deuxième, le troisième c’est bon, soit zéro, dix-huit fois contre le sixième et deux-trois fois, je ne suis pas exactement certain, contre le onzième. »
Le charismatique : « Seigneur, je te rends grâce parce que tu es grand et miséricordieux et que ton amour se répand sur tes enfants, je te loue sans cesse et aujourd’hui particulièrement, je te bénis et tu me bénis, je t’aime, je t’adore, je bénis le prêtre qui va m’entendre et me donner le pardon, c’est certain, parce que tu ne refuses jamais ton pardon… » C’est beau, mais quand va-t-il commencer à se confesser ?
Le bavard, parfois un peu vantard : « Bonjour mon père. Alors voilà, je voulais vous raconter que l’autre jour j’étais avec des amis, et pris dans l’ambiance, j’ai un peu perdu la tête avec Suzette ; la semaine suivante, j’ai craqué pour Lucette, enfin heureusement cela n’a pas duré longtemps (oui c’est vrai, cela me rassure !), jusqu’à ce que je croise Henriette et Paulette et… » On se demande s’il se confesse, s’il se vante ou s’il se justifie.
La réponse du fils prodigue
Et puis il y a saint Paul, il y a le fils prodigue, il y a la brebis perdue, il y a la pauvre petite drachme, il y a tous ceux qui ont expérimenté l’infinie miséricorde de Dieu, il y a tous ceux que le Seigneur a été chercher, a relevé, a converti : chacun d’eux nous dit quelque chose de la conversion, chacun d’eux répond à notre jeune femme du banc du fond. Le fils prodigue, c’est la réponse à la première objection : l’hésitation, la tergiversation, le « j’y vais, j’y vais pas ».
L’enfant prodigue qui se traîne dans la boue au milieu des porcs, à manger des gousses, nous ressemble quand nous nous traînons dans notre péché, quand nous ne pouvons plus avancer, mais il nous enseigne aussi (Lc 15, 18) : « Je vais retourner chez mon père, et je lui dirai : Père, j’ai péché contre le ciel et contre toi. Je ne mérite plus d’être appelé ton fils. Prends-moi comme l’un de tes ouvriers. »
Une ferme résolution, le premier pas, c’est le seul qui compte, avoir le désir de revenir vers Dieu, ne pas rester embourbé dans notre péché (comme si c’était bon de vivre allongé dans la boue, on s’y habitue peut-être mais vous savez, vivre debout, c’est bon !). Alors ne restez pas là, sinon comment voulez-vous avancer, comment voulez-vous être saint ? Levez-vous !
Le fils prodigue, encore lui, celui qui croyait qu’il n’avait besoin de personne pour vivre, celui qui part loin de son père, il ne vous rappelle pas quelqu’un qui n’a besoin de personne pour se confesser, pour être pardonné, quelqu’un qui voudrait rester seul ? On a toujours besoin de quelqu’un : d’un prêtre qui va vous accueillir comme un père, qui va vous écouter comme un père, qui va vous donner quelque conseil comme un père et qui va vous pardonner au nom du Père. C’est bon d’entendre cette parole divine (pas de l’imaginer mais de l’entendre) : « Je te pardonne tous tes péchés. » Vous voulez être saint ? Alors agenouillez-vous !
Notre péché n’est pas le plus grand
Et saint Paul répond à la troisième objection de la jeune femme : « Moi qui autrefois ne savais que blasphémer, persécuter, insulter, moi le premier, je suis pécheur » (cf. 1Tm 1, 13). Paul, l’homme truffé de péchés et bien conscient d’en avoir des tonnes sur la conscience, plutôt que de s’apitoyer dessus, plutôt que de rester à les ruminer toute la sainte journée, plutôt que de les contempler, plutôt que de se les garder pour lui comme si c’était un trésor précieux, plutôt que de se dire que personne ne pourra le pardonner, il fait confiance au Seul qui puisse pardonner, pardonner vraiment : Jésus Christ : « La grâce de notre Seigneur a été encore plus forte, avec la foi et l’amour dans le Christ Jésus » (1Tm 1, 14).
Oui ! notre péché n’est pas le plus grand. Si nous ne regardons que notre péché alors en effet, nous allons le trouver énorme, mais si nous regardons la miséricorde de Dieu, alors nous allons le trouver ridicule, infiniment petit, immensément pardonnable, c’est le chemin pour être saint. Arrêtez de vous regarder le nombril et regardez-Le !
La brebis perdue, c’est un peu notre jeune femme du fond de l’église, celle qui croyait que tout était fichu pour elle, que de toute manière elle ne valait plus rien, que personne ne s’intéressait à elle — ce n’était pas la première fois qu’elle se perdait, c’était la vingtième. Ne devait-il pas en avoir assez le berger d’aller la chercher, pourquoi mettrait-il en danger ses 99 copines pour elle, la sale brebis galeuse, incapable de retrouver son chemin, incapable de… ?
« Je fais toujours le même péché, je n’en sortirai jamais, j’abuse de la bonté de Dieu, il a autre chose à faire, je suis qu’une incapable… » Tais-toi et appelle ! appelle de tout ton cœur, appelle le Seigneur, jamais il n’abandonnera aucune de ses brebis, jamais il ne laissera un seul de ses enfants se perdre. Si vous voulez qu’une fois encore il vous prenne sur ses épaules, appelez-le, il ne se lassera jamais d’entendre votre voix !
La différence, c’est la joie
Mais quelle est la différence entre les trois premiers types de pénitents, ceux qui sont sortis de mon imagination enfiévrée, et les trois suivants — ceux qui sortent de l’Évangile ? La différence c’est la joie, l’immense joie du pardon, l’immense joie de revenir vers Dieu. La joie du fils qui retourne vers le Père « et ils commencèrent la fête » (Lc 15, 23).
La joie de saint Paul : « Je suis plein de reconnaissance pour celui qui me donne la force » (1Tm 1, 12). La joie du psalmiste pardonné : « Seigneur, ouvre mes lèvres, et ma bouche annoncera ta louange. » (Ps 50). La joie de la femme « Réjouissez-vous avec moi, car j’ai retrouvé la pièce d’argent que j’avais perdue ! » (Lc 15, 9)
Qui d’entre nous n’a pas envie de goûter cette joie ? Qui d’entre nous voudrait se contenter d’une année triste à se traîner misérablement dans son péché ? Car oui, dans ma typologie j’oubliais quelqu’un, c’est vous, parce que vous ne ressemblez à aucun de ceux que j’ai décrit, parce que le Seigneur nous accueille chacun comme une personne unique. Il vous attend sur le seuil de sa maison, le seuil du pardon : ne refusez pas sa joie !
Père Simon d’ARTIGUE, curé de la cathédrale Saint-Étienne de Toulouse