Effets spéciaux
Jeudi 19 janvier, les internes se sont retrouvés au ciné-club pour discuter de la question des effets spéciaux au cinéma. La première séquence qui leur a été présentée était un extrait du premier Mission impossible de 1996. Il s’agissait d’une scène de poursuite entre un train et un hélicoptère. Malgré les presque trente ans qui nous sépare de ce plan, les internes ont été surpris d’apprendre qu’il avait été réalisé en studio et que par conséquent rien ne s’y déroule vraiment comme montré à l’écran. Corentin Barré-Viellard, perspicace comme à son habitude, a rapidement noté que le TGV ne possédait pas de pantographe, ni les voies de caténaires, ce qui aurait évidemment complexifié les scènes d’action sur le toit de ce train supposément lancé à grande vitesse. Henri Eustratiades a bien noté alors le rôle fondamental de la lumière dans cette recomposition du réel.
Les premiers éléments de réflexion sur le rôle et la fonction de ces effets spéciaux étaient posés. C’est alors que nous avons regardé ensemble trois extraits de La vie aquatique de Steve Zissou, de Wes Anderson. Une comédie sensible dont l’humour subtil réside tant dans les dialogues que dans les situations et dont le propos général relève de la place des figures tutélaires et du passage à la vie d’adulte. Tout le film est construit comme une mise en abyme de l’œuvre et de la vie du commandant Jacques-Yves Cousteau, pratiquement inconnu aujourd’hui des élèves et dont l’importance pour le cinéma fût alors évoquée (Le monde du silence 1956). Au cours du film de 2004, le spectateur voit différents procédés qui ne sont pas sans rappeler Le voyage dans la Lune de Georges Méliès, entraperçu lors d’une précédente séance. Ainsi, dans un constant jeu de miroir, afin de présenter l’équivalent fictif de la Calypso, le réalisateur recourt à une maquette de grande taille dans laquelle évoluent in vivo les personnages. Les interventions pertinentes de Louis Lepercq ont permis de comprendre que ce plan-séquence, qui n’est volontairement pas réaliste, sert habilement la narration. La conclusion appartenait alors à Sébastien Carrive. Ce cinéphile accompli connaissait déjà une autre œuvre de Wes Anderson. Il réalisa alors tout ce que ces deux films avaient de commun notamment d’un point de vue formel et donc l’existence d’une profonde unité de « style ».
Les effets spéciaux ne peuvent donc se résumer à quelques procédés numériques surajoutés en postproduction qui vieillissent souvent fort mal. Au contraire, ils participent d’autant plus au récit s’ils utilisent une matière qui apparaît la moins artificielle possible. C’est là la condition pour qu’ils fassent partie intégrante de l’œuvre d’un auteur. Carere non potest fame, qui panem pictum lingit.
Julien DEHUT, Maître d’Internat