Une décision fortement contestée
La décision est tombée ce matin, alors que personne ne s’y attendait. Le bruit courait depuis plusieurs semaines, certes, mais les professeurs de la rue de l’Avalasse n’osaient y croire. Il est vrai que le Ministre souhaitait entendre les représentations syndicales des enseignants avant de trancher. C’est dorénavant chose faite.
Ce qui a fait couler tant d’encre ? La décision, désormais actée, d’exiger des professeurs un diplôme sportif de niveau 4 pour enseigner. « À compter du 1er septembre 2024, tout professeur, en premier ou en second degré, devra fournir une attestation selon laquelle il pratique un sport, assidûment et… avec enthousiasme » : la circulaire est sans appel et les recteurs sont invités à suivre de très près sa mise en application. Pendant l’année scolaire 2023-2024, quelques établissements expérimenteront l’amendement ministériel… et l’Institution a été choisie par la rue de Grenelle comme « établissement pilote ».
La très soudée équipe de Sciences physiques s’est aussitôt exprimée dans un communiqué. « Il semble que le Ministre ait commis une confusion de genre. Nous aimons ‘la’ physique ; ‘le’ physique, très peu pour nous ! » s’est exclamé Matthieu G. (qui a souhaité garder l’anonymat), aussitôt relayé par ses collègues de SVT, Agnès C. en tête, et ceux d’Éco-Droit-Gestion, avec le volubile, tonitruant et inimitable Christophe L.
Les professeurs de langue ont fait valoir que les cinq domaines qui correspondent aux activités de communication langagière (ACL) sont à eux seuls des épreuves hautement sportives : « Entendre tous les jours des personnes martyriser une langue à laquelle on a consacré sa vie, c’est une vraie prouesse qui vaut tous les podiums ! » ont lancé conjointement Catherine T. et Albane F. À ce titre, ces professeurs ont demandé une dérogation qui, selon nos sources autorisées, devrait leur être accordée. Le collectif, emmené par Amanda R., ne compte pas « céder le moindre inch de terrain ».
Les enseignants de mathématiques s’insurgent : « À force de jouer avec mes sinus, j’en ai mal à la tête ; en revanche, pourquoi pas le trapèze : c’est la base (moyenne) ! » nous confesse Dominique V. Mais ils reconnaissent, en privé, que le Ministre était « comme écartelé entre la conjecture de Hodge et l’hypothèse de Riemann ». Plus pragmatiques, ceux de technologie envisagent de revendiquer le statut d’entraîneurs.
Quant aux littéraires – anciens et modernes – dont la propension à s’épuiser sur les terrains, stades, courts et autres quadrilatères, demeure fortement limitée – si l’on en croit bien sûr les statistiques de la DEPP (Direction de l’Evaluation, de la Prospective et de la Performance) – ils comptent jouer sur les mots : « La plongée, ça compte ?… Plongée dans la lecture, cela s’entend » a osé Olivia P. Les professeurs de philosophie et de sciences économiques les rejoindront très vraisemblablement dans les jours à venir.
Pour ce qui est des Professeurs des Ecoles de l’Institution, elles ont fait savoir, avec une certaine jubilation, qu’elles avaient toutes leur attestation de natation (50m en piscine) : « S‘il en fallait une, c‘est bien la preuve de nos capacités athlétiques » ont claironné en cœur Lorenza C., Emma D., Aurélie F., Chantal G., Laëtitia H., Marine L., Jeanne M., Marie R., Violaine R. et Juliette S. En bref, toutes d’accord.
Au final, seuls les professeurs d’EPS se réjouissent de cette initiative ministérielle. « J’en connais qui vont être obligés de s’y mettre ; cela leur fera le plus grand bien » nous a confié, dans un grand et malicieux sourire, un certain Maxime S., explicitement soutenu par son collègue Samson L., heureux de reprendre, un brin facétieux, le dernier terme de la circulaire : « … et avec enthousiasme » !
Le ministère prend très au sérieux les réactions du terrain, pour preuve la remontée de l’ABRI (Association Branchée des Responsables d’Internat) qui militait jusqu’alors pour que les fléchettes soient inscrites sur la liste des sports reconnus, si toutefois les personnels d’éducation étaient associés à cette nouvelle mesure. Il n’en est rien. « Tant mieux, témoigne Julien D. (qui a souhaité lui aussi garder l’anonymat), j’abandonne le baby-foot et me remets au cinéma… »
De même, l’association des Chefs d’Établissement a adressé au Ministre son satisfecit : ils échappent de peu au champ d’application de la circulaire. « On en connaît un qui a sûrement poussé un ‘ouf’ de soulagement » nous a confié, sous le sceau de l’anonymat, Benoît R., tout en avouant : « Moi, du moment qu’on ne me demande pas de faire de la géographie… ».
Une réforme de plus, donc, qui est loin de faire l’unanimité. Gageons que d’ici cinq mois, les choses auront évolué. On murmure ici ou là que si la compétence en sport pose trop de soucis, le ministère proposera alors une solution alternative : un diplôme en pâtisserie.
Source : AFP, vérifiée par Corbeau Furtif