Au « hasard » des découvertes
Notre travail de conservation des livres anciens contenus dans les greniers de l’Institution se poursuit avec toujours autant d’entrain. Sans doute pouvons-nous parler de passion… Après avoir exhumé l’an dernier les ouvrages les plus anciens et les belles collections, afin de les présenter dans les bibliothèques de la salle de réunion, nous avons constaté avec bonheur que des surprises nous attendaient encore.
Ayant laissé derrière nous les XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, nous abordons essentiellement maintenant les très nombreux volumes des XIXe et XXe siècles. La diversité est toujours aussi réjouissante tant pour le contenu : littérature, poésie, théâtre, religion, philosophie, histoire, sciences…, que pour les reliures et leurs décors.
L’Abbé Join-Lambert, fondateur de notre Institution étant un ancien de l’École Polytechnique, une rencontre nous a interpellée nous donnant envie de la partager. Ce sont en effet des cours reliés d’analyse, de mécanique, de physique et de géométrie de l’École polytechnique entre 1910 et 1912. Il est certain que leur lecture n’est pas à la portée de tous… mais tous seront séduits par la qualité de la calligraphie ainsi que des figures qui illustrent les textes. Il sont pris avec un soin et une précision remarquables. Ils étaient à cette époque le seul moyen d’accès à la connaissance. Ils ont appartenu à un certain Édouard Allouard Carny…
Un petit tour sur Geneanet nous a révélé comment ils avaient pu rejoindre la bibliothèque de l’Institution. Édouard Allouard Carny était en effet, par sa mère, le cousin germain du Chanoine Raymond Lecoeur, 8e Supérieur de l’Institution. Une autre visite, sur le site de l’École Polytechnique cette fois, nous a apporté la réponse à la question que nous nous posions au sujet du mode de reproduction de ces cours. Nous l’avons trouvée à la lecture d’un article intitulé « Des cours anciens à la recherche de leur bibliothèque », faisant état du don de cours de Maurice d’Ocagne professeur de Géométrie à l’École polytechnique, par un ou une anonyme, ainsi que de la restauration de ces ouvrages. Ils ont été « lithographiés selon la technique de l’autographie, procédé d’imprimerie permettant de transposer sur une pierre lithographique, ou une plaque en métal, des dessins ou des textes réalisés sur un papier spécial avec une encre grasse. Ce procédé fut très utilisé pour diffuser à tous les élèves les cours de l’École. »
M. d’Ocagne (X 1880 ; 1862-1938), mathématicien, inspecteur général des ponts et chaussées fut répétiteur puis professeur de géométrie à l’École polytechnique. Il inventa la nomographie qui supplée aux calculs numériques par des représentations graphiques (abaques et nomogrammes) et publia de nombreux ouvrages scientifiques, mais également dans un domaine tout à fait différent, des vaudevilles sous le pseudonyme de Pierre Delix (de l’X)… Il a été comme le montre notre collection le professeur d’Edouard Allouard Carny, un professeur brillant et non dénué d’humour manifestement. Cette caricature extraite du journal des élèves, Le petit Crapal de 1922 l’atteste !
M. d’O : Avant puissant. N’a pas trouvé son égal pour transformer (surtout homographiquement)…
Quant à l’abbé Join-Lambert, dont l’épée s’est brisée au service de cet enjeu si sérieux qu’est l’éducation des jeunes, il a aussi transformé l’essai !
C’est ainsi donc qu’au hasard des recherches et des découvertes, d’Édouard Allouard Carny à l’Abbé Join-Lambert et à Maurice d’Ocagne, naît parfois un sentiment de soudaine proximité avec ceux, inconnus auparavant, qui appartiennent un peu à notre histoire.
Geneviève GOUJON (en collaboration avec Jean-Dominique EUDE pour la partie généalogique…)