Aussi bien remède que poison
Lundi 13 mai dernier, au soir, nous avons eu la chance d’assister à une conférence d’un de nos encadrants portant sur la question de la place des écrans dans nos vies, en tant que pharmakon et partie intégrante de notre société contemporaine digitalisée.
L’intervention était focalisée sur la place que prennent « les écrans » ou devraient prendre ceux-ci dans notre construction et celles de nos élèves, futurs adultes, et l’élaboration de notre identité d’individu, toutes deux fondations du monde de demain. Évidemment, les « disclaimers » habituels étaient de mise (le rôle des écrans dans l’altération du sommeil, du développement intellectuel, des troubles de l’attention…), mais très vite nous nous sommes recentrés sur une question beaucoup plus fondamentale. Il aurait été, en effet, complètement illusoire d’imaginer, il y a 2000 ans ou ne serait-ce qu’il y a 50 ans, avoir accès à la somme de la majorité des savoirs de l’humanité en quelques secondes ; imaginez tout ce qu’il aurait été possible de construire (architecture, moyens de production…), d’inventer (médecine, ingénierie, littérature…), d’éviter (épidémies, conflits…) et tout ce qui aurait pu bouleverser le cours de l’histoire pour le meilleur… ou pour le pire. Car comme à son habitude, l’Homme a trouvé le moyen de détourner le progrès et de l’asservir à ses pulsions destructrices : son pathos (Du reste, à l’origine l’internet est un outil élaboré par l’armée américaine à des fins militaires). C’est alors que dans le contexte géopolitique qui est le nôtre, cet outil est souvent détourné pour satisfaire des usages pour le moins discutables (Cambridge Analytica, Pegasus…) et poursuivre des objectifs économiques démesurés, parfois au détriment de toute considération morale. C’est ainsi que l’on se retrouve avec des entreprises du net qui emploient les meilleurs psychologues et neurologues à la construction de plateformes ultra addictives et néfastes à l’élévation morale et intellectuelle de l’Homme. Là où ces ressources auraient pu être utilisées pour tenter de faire barrage aux grands maux de ce monde, l’internet devient aussi bien le remède que le poison : un pharmakon.
Cependant, tout n’est pas perdu pour autant ; l’accès universel aux ressources pour le plus grand nombre a aussi permis le développement de certaines régions du monde jusqu’alors marginalisées (par exemple, l’Afrique de l’Est) et de services améliorant grandement la qualité de vie pour un grand nombre d’êtres humains à travers le globe (Amazon, Ubereats évidemment ; mais aussi Google, Yahoo ou même Doctolib). C’est pourquoi la question qui nous a été proposée par l’intervenant, de par notre appartenance à ce monde bipolaire (consciemment ou inconsciemment), fut la suivante : voulons-nous occuper la place du consommateur ou celle du producteur ? Celle du maître ou de l’esclave ? Au-delà du discours d’un économiste politique du XIXe que certains pourraient interpréter ici, le propos était bien plus centré sur notre sujet : dans notre société digitale contemporaine, quel usage voulons-nous faire du numérique et quelle place souhaitons-nous lui donner dans notre vie ? L’employer à notre enrichissement ou à notre asservissement ? Le choix demeure nôtre.
Enguerrand NOBLOT, élève de Terminale 2