Séminaire de l’apprentissage
L’année dernière, le premier séminaire annuel de l’apprentissage avait eu lieu au CFA de la Chataigneraie. Le deuxième s’est déroulé à Caen et le troisième est prévu au Havre afin que toute la région normande soit représentée.
Nous voilà donc tous réunis à Caen, ce 25 mars, plus précisément à l’Institut Lemonnier, pour parler apprentissage. Après une matinée consacrée aux interventions des principaux acteurs et de quelques entreprises convaincues de l’intérêt d’engager des apprentis dans leur équipe, nous avons eu la chance de parler d’un sujet d’actualité : l’intelligence artificielle.
M. Lecomte, secrétaire général de l’OIEC (Office International de l’Enseignement Catholique) a, quant à lui, proposé une réflexion sur l’Intelligence Artificielle à la lumière du Pacte éducatif global ; un éclairage utile qui place bien le jeune au centre des enjeux de l’éducation tout en prenant en compte la réalité de l’environnement dans lequel il évolue.
L’après-midi a été ensuite l’occasion de rentrer dans le vif du sujet. Monsieur Leloutre-Got, spécialiste de l’IA, a débuté sa conférence par une conversation publique avec une Intelligence Artificielle qu’il a programmée et nous avons assisté, plutôt médusés, à ces échanges dignes d’un film de science-fiction. Le décor est planté, nous avons basculé dans le futur qu’on croyait beaucoup plus lointain.
Oui bien sûr, on a bien entendu parler de l’arrivée de l’IA, de ces logiciels intelligents qui font votre travail à votre place. Oui, on a bien eu écho de ces étudiants qui rendent des copies générées par ces applications et qui vous soutiennent qu’ils en sont les auteurs ; ils ont en effet rédigé un « prompt », autrement, dit, ils ont commandé une pensée prête à consommer. Comme on livre aujourd’hui un plat chaud à votre porte voire au pied de votre canapé, on rend maintenant un devoir tout chaud sorti de son ordinateur. Nouveau fastfood intellectuel, on perd le goût de la réflexion, l’envie de dépasser un paradoxe, de trouver réponse à une question complexe, de humer la satisfaction d’un problème résolu, de goûter le choix des mots, de digérer les efforts consentis…
Eh bien, non, n’accusons pas l’IA ! elle est conçue pour être bienveillante, utile, et surtout pour nous faire gagner du temps, nous éviter des efforts inutiles, nous redonner des moments à nous…alors quoi ? vous ne voulez pas remercier cette « intelligence » de devenir une assistance, gratuite, toujours disponible, toujours efficace. Une analyse de données ? Un tableur ? une présentation ? un discours ? un mail que vous devez envoyer, vite, là, tout de suite ? l’IA est là, prête, à l’écoute, efficace, réactive.
Après ces temps de réflexion personnelle passés (eh oui, j’en profite pendant que mes neurones sont encore sollicités), on essaie de se mettre à la bonne distance, on se repositionne dans son statut de pédagogue et on est bien obligés d’admettre la réalité, d’accepter le progrès en marche. Il va falloir s’adapter, encore. L’ère du copier/coller qui nous a tant agacés au moment de corriger une lettre, une copie, un mémoire de fin d’études est révolu : voici le temps du copier/penser.
S’adapter ? Et surtout accompagner les jeunes dans l’usage de cette nouvelle technologie. Leur apprendre que l’IA ne doit pas remplacer leur travail, leur pensée, elle doit être un outil à explorer, une manière de dégrossir un sujet, de mettre en forme une idée mais elle ne doit pas penser à notre place. Se soumettre à une machine, c’est s’enchaîner au conformisme, au mimétisme, à la propagande, au prêt-à-penser.
Préservons donc leur capacité à critiquer, à discerner, à contredire ; préservons la diversité et la liberté. C’est la mission que l’IA nous impose désormais dans les classes : aiguiser les esprits, nourrir les cultures, affiner le discernement, construire une pensée, assumer une opinion. Accueillir l’IA c’est apprendre à l’utiliser intelligemment pour pouvoir en appréhender les artifices et ce, afin de préserver l’intelligence d’une humanité, elle, bien réelle.
Karine FERRARO MASURE, Directrice adjointe en charge de JP2Sup